New
York, New York
Voyager,
c'est aussi creer des liens : ce lieu qu'on a traverse, ce
n'est plus un simple point sur une carte, c'est une somme
de rencontres, d'impressions et de sentiments. On y laisse,
si on s'en donne la peine, un peu de soi, et on prend un peu
de l'endroit. Un rien suffit : un regard, un son, ou une odeur...
et il se creee un lien, invisible, tenu, mais incassable.
Depuis 73 jours maintenant, nous tissons ces fils autour de
la planete. Alors, forcement, cela nous secoue un peu d'apprendre,
hier, la catastrophe qui frappe le sud de l'Asie.
Ce ne sont plus, pour nous, des points sur des cartes ou des
visages anonymes.
Il fait
froid, a New York ou nous sommes maintenant. Nous y sommes
arrives le 24 decembre, depuis Chicago. La-bas, la gare routiere
des celebres bus Greyhound etait pleine de monde. Un condense
d'Amerique dans toute sa diversite.
Deux bus remplis quittent Chicago pour New York a 17h, le
23 decembre. Il y a 15 heures de route, mais la route s'est
transformee en piste enneigee. Il faut regulierement s'arreter
pour enlever la croute de glace qui s'est formee sur le pare-brise.
Mais notre chauffeur est un professionnel : il ne manque pas
de nous le rappeller au cours de longs monologues dans son
micro, qui servent probablement autant a le tenir eveille
qu'a venter ses merites.
Au matin, la neige a disparu, nous traversons le New Jersey
et un paysage de forets ordonnees et depouillees, d'ou progressivement
emerge New York : les tours de Manhattan apparaissent bientot,
le bus s'enfonce dans un tunnel et en ressort au coeur de
la ville.
Gilles
la connaissait deja, mais moi Je n'aurai jamais pense decouvrir
la cite comme cela : je l'imaginais trepidante de vie et d'activite.
Elle apparait vide, deserte. Nous sommes le 24 decembre, c'est
la veille de Noel. La ville s'est repliee sur elle-meme,la
vie et l'activite se sont refugiees dans la chaleur des maisons.
Comme-ca, le mythe urbain par excellence, l'enfant terrible
de l'occident, pourrait tout simplement etre terrasse par
Noel ? Ainsi tombent les reves...
Un peu deconcertant, mais New York a de la ressource, entre
les lumieres de Broadway, les buildings dignes et graves du
quartier financier ou les rues discretes et animees de Greenwich
ou East Village. Et ca n'est que Manhattan... il faut, pour
explorer New-York, ses multiples facetes et la fievre qui
l'habite, bien davantage que les quelques jours que nous avons
eu a lui consacrer.
Nous repartons demain. Nous avons fait une croix definitive
sur nos reves de bateaux. Toutes nos demarches avaient echouees
bien avant notre arrivee dans la cite, et on improvise pas
ce genre de chose aux Etats-Unis...
Etrange
parenthese americaine, dans ce tour du monde. Aucun autre
pays sans doute ne peux susciter de sentiments aussi contradictoires.
On oscille constamment entre agacement, fascination, emerveillement
et horreur. Et, sans trop qu'on sache comment, ce pays arrive
encore a porter des reves. On en vient a se dire que peut-etre,
apres tout, la statue de la Liberte tient encore quelque chose
dans sa main...
Alors
demain, nous nous envolons pour Londres. Ultime etape. Nous
retournons en Europe, par l'autre cote. |