Un
ocean plus tard...
Nous nous sommes donc reserves deux beaux billets d'avion
pour San Francisco... Le dimanche 12 decembre, nous quittons
Tokyo : nouveau bus de nuit, direction Osaka d'ou nous devons
decoller pour San Francisco.
Le lundi 13 a 16h, nous laissons derriere nous l'Asie et ses
mysteres, et ce continent que pendant pres de 60 jours nous
avons traverse d'Ouest en Est. Plus de 15 000 km, ca cree
des liens... Maintenant, dans la carlingue de notre Boeing,
nous nous appretons a en avaler environ 6000 en quelques heures...
Par la meme astuce qui permet a Phileas Fogg de gagner son
pari, nous arrivons a San Francisco a 8h00 du matin le meme
jour : au milieu du Pacifique se trouve la ligne de changement
de date, le vingt-quatrieme fuseau horaire. Il separe hier
d'aujourd'hui, et lorsqu'on le franchit d'Est en Ouest, on
remonte sa montre de 24 heures, un jour dans la semaine que
l'on vit deux fois... Voila le capital de temps que nous avons
acquis, comme Phileas Fogg, dans notre course vers l'Est...
Comme prevu nous accusons a l'arrivee l'impact du changement
entre le Japon et les Etats-Unis. C'est bien plus qu'un changement
de continent.
Pas la peine de s'attarder sur le passage de frontiere : entre
l'Iran et le Pakistan, nous avons une collection de visas
qui ferait rosir n'importe quel fonctionnaire du Pentagone...
et en effet, l'officier de l'Immigration qui s'occupe de nous
s'etouffe en voyant nos passeports. Cela nous vaut a chacun
un petit interogatoire personnalise et separe ou nous expliquons
le pourquoi et le comment de notre voyage.
L'officier qui interroge Gilles en sort visiblement bouleverse
: "Jules Verne is dead !?". Le mien est moins drole, il connait
deja l'histoire et je m'en tire avec une simple reprimande
: "Pakistan is not a place to go !" Ah, s'il savait. Je ne
dit rien, je ne veux pas lui faire envie...
Aeroport, metro, sortie a la station Powell, au beau milieu
de San Francisco.
L'Amerique nous tombe dessus d'un coup. Si le Japon et l'Asie
en general se derobent et se laissent desirer, l'Amerique
exhuberante explose aux yeux du visiteur avec une impudeur
a laquelle nous avions oublie de nous preparer. Nous retrouvons
d'un coup cet aspect de cours des miracles geante propre aux
grandes villes americaines : l'impression que tout, du plus
splendide au plus glauque, peut y arriver. Et puis, l'omipresence
de l'exces, comme une facon d'etre a part entiere : trop grand,
trop gros, trop sale, trop moderne, trop riche, trop pauvre,
trop bruyant, trop...
Depuis Paris, notre course nous a entraine dans des pays millenaires,
des identites culturelles riches et profondes. La, nous nous
retrouvons brusquement au milieu d'un patchwork humain et
culturel mal rapiece. Ca et la, il nous semble distinguer
des morceaux vaguement familiers que nous reconnaissons a
peine.
Pas de doute, les Etats-Unis forment vraiment dans ce tour
du monde une etape a part.
Mais San Francisco, est-ce bien les Etats-Unis ? La ville
degage une grande douceur de vivre, que le beton n'altere
pas. Elle est encore adoucie par ses rues qui escaladent les
collines avec une rectilinearite tetue et invraissemblable.
L'horizontalite est ici une notion qui revet par opposition
tout son sens...
Il y a aussi, a San Francisco, un leger parfum d'Europe. Surtout,
un soupcon de subversion : ville americaine, certainement,
mais avec un sens de la nuance qui manque ailleurs...
En somme, nous sommes sous le charme.
Nous repartons demain matin. Nous avons decide de traverser
le pays en voiture, par l'Interstate 80 qui suit globalement
l'ancienne ligne du Pacific Railroad, la route de Phileas
Fogg.
Prochaines grandes etapes, Chicago, et Noel a New-York. Notre
vision du reve americain, quoi...
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