Tokyo, 12 decembre 2004
 

Temps difficiles pour les reveurs

Nous quittons Kyoto le 9 decembre au soir, direction Tokyo. Notre bus quitte la ville a 23h00 precises. C'est un bus moderne, silencieux et confortable. Comme toute chose au Japon, parfaitement propre. Une voix d'hotesse desincarnee tient les passagers au courant, a travers des haut-parleurs invisibles, de l'avancee du bus ou de la temperature exterieure.
C'est a travers des details comme ceux-la qu'on mesure le chemin parcouru... nous repensons a nos bus improbables d'Iran ou du Pakistan, leur souvenir ici semble impregne d'un gout de mythe ou de legende. Le mot "voyage" avait alors un autre sens, on avait l'impression d'arracher a la route chaque kilometre.

Nous peinons a trouver le sommeil devant l excitation grandissante a l approche de Tokyo. 5h30, nous arrivons. La fraicheur du matin nous saisi dans notre reveil difficile. La gare de Tokyo est vide et silencieuse... une ombre passe de temps a autre. Un fou rire nous prend devant cette situation irreelle. Ou est la frenesie de l'activite nocturne de cette megalopole mythique ? Ou est la confusion des neons et de la circulation ? Rien, la ville dort profondement.
En attendant l'heure de trouver un hotel, nous regardons Tokyo s'eveiller lentement.

Nous ne trouvons pas la ville aussi inhumaine et demesuree qu'on le dit. Comme toutes les grandes cites, elle presente plusieurs visages : calme et tradition autour du palais imperial et des nombreux temples ; affairement dans le quartier de Shibuya, sur les trottoirs duquel on dit que plus de deux millions de personnes se croisent chaque jour ; loisirs et exces en tous genres dans le quartier de Shinjuku, ou s'allignent sous le clignotement des enseignes les restaurants, bars, salles de jeux, clubs...
Si nous arrivons maintenant a trouver quelques minces reperes dans l'univers japonais, il nous semble toujours aussi difficile d'etablir un contact, de depasser ce rapport humain quasi-mecanique, fait de gestes et de formules de politesse interminables.
Le Japon nous est d'une extraordinaire complexite : impossible de savoir comment on se positionne dans les relations avec autrui, a quel moment on est juste, a quel moment grossier... le visage en face reflete toujours la meme expression immuable, le meme sourire poli et impenetrable. Parfois, nous nous faisons l'effet d'elephants dans un magasin de porcelaine...

Sitot arrives a Tokyo, notre priorite est d'essayer de trouver un navire, cargo de preference, pour traverser le Pacifique et rejoindre l'Amerique du nord. Nous connaissons depuis l'Inde les regles tres strictes qui regissent a la fois l'entree dans les ports et les compagnies de marine marchande. Nous tentons malgre tout d'entrer dans le gigantesque port de Tokyo : en vain.
Aux bureaux des affreteurs et des compagnies maritimes que nous essayons, nos requetes sont noyees sous les sonneries des telephones et le crepitement des fax. Le caractere original de notre projet lui enleve d'emblee tout credit. Nouvel echec...
Alors il nous faut nous faire une raison, mettre notre orgeuil et nos obsessions de cote : on ne voyage plus aujourd'hui comme au temps de Phileas Fogg. On peut a present faire le tour du monde en quelques dizaines d'heures, mais on ne peut plus le faire n'importe comment.
Notre seule pretention, le seul reel defi que nous nous soyons vraiment fixe, aura ete de faire le tour, le vrai tour, du monde : parcourir la surface de la Terre dans un meme mouvement, aussi leger et continu qu'un souffle, sans jamais la quitter. Ce voeux, en apparence assez simple, etait en fait bien naif. La surface de la terre, aujourd'hui, n'est plus de celles qu'on parcourt librement. Elle releve d'interets bien plus hauts que ceux de quelques reveurs, et l'absolu n'a pas de valeur marchande...
M'sieur Verne, ne nous en voulez pas trop : le monde a bien change, et plutot dans le sens que vous redoutiez...

Alors, ce sera l'avion : nous repartons des ce soir pour Osaka, pour un vol demain vers San Francisco. Mince consolation : la rapidite du trajet ne va rien nous epargner du choc culturel qu'on doit eprouver a passer d'un pays aussi subtil et raffine que le Japon a un autre qui... comment dire ? Cristallise en nous un melange confus de doutes et de craintes...

 
tour du monde en 80 jours
 
Atmosphere toujours zen sur Kyoto
   
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Velo oublie sur fond d automne, Kyoto
   
tour du monde en 80 jours
 
Il fait jour meme la nuit sur Tokyo...
   
 
Statue gardee, Tokyo
   
 
Marionnettes dans Ueno, Tokyo
   
 
Nuit dans Shibuya, Tokyo
   
   
       
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