Port Blair, 18 novembre 2004
 

L'île mystérieuse.

Nous quittons Mamallapuram Samedi 13 au matin. Notre bateau pour les Andaman part en fin d'après-midi depuis Madras. Le bus express rempli traverse l'interminable banlieue de cette ville, que décidemment nous n'arrivons pas à aimer.
A midi, un rickshaw nous dépose au port. Munis de nos billets, nous en franchissons l'entrée gardée comme une forteresse.

Les gares, les aéroports, exercent toujours une certaine fascination : ce sont des lieux de marge, des lieux pleins de promesses. Ils se situent à la frontière exacte entre rêve et quotidien.
Les ports, peut-être par leur apreté et la tristesse qu'ils exhalent, intensifient encore ce sentiment.
Dans le vaste espace des docks du port de Madras, parcouru de routes et de rails, se succèdent baraquements et entrepôts. Ville dans la ville.
A quai, gigantesques, les cargos attendent leur frêt, chargent ou déchargent.
C'est un grand mystère que ces dinausaures des mers puissent, de toute leur rouille et leur lourdeur, déployer autant de grâce et susciter autant de fascination. Leur vue forme aussitôt dans notre esprit des images d'océans infinis plombés de ciel lourds, des noms de villes mythiques, des vents chauds et des tempêtes légendaires.
Derrière l'un de ces géants au doux nom d' "Envoyager", ce cache notre ferry : le MV Nicobar, qui n'a rien a envier en matière de rouille aux plus virils cargos, est à quai contre un vieux hangar sous le auvent duquel la foule de ses passagers s'abrite du soleil en attendant l'embarquement.

Le Nicobar, qui tire son nom d'un chapelet d'îles au sud des Andaman, forme un petit univers que nous abordons d'abord avec excitation, curiosité puis finalement agacement.
Petit ferry blanc dont la coque semble suinter la rouille comme une mauvaise transpiration, le vieux raffiot parvient malgré tout et comme tout bon bateau, à dégager une tenace odeur de peinture fraiche. Mystère...
Le bateau se divise en six ponts, et les passagers en trois classes.
Le sixième pont, le plus élevé est occupé par les cabines de première classe qui y possèdent leur restaurant "de luxe", partagé avec les officiers. Triste restaurant, propre et désuet, déjà usé par les années.
Les quatrième et troisième ponts sont ceux des secondes classes. Elles aussi ont leur salon/restaurant, qui répond par sa tristesse à la désuetude de celui des premières : piste de danse aux carreaux d'aciers gris que seuls les cafards arpentent; fauteuils trop nombreux et trop vides qui tournent doucement sur eux même au rythme du roulis.
Aux second et premier ponts, changement d'univers : le Nicobar est comme un microcosme de la societé indienne, et il cache dans ses entrailles la sous-caste des "Bunk-class". Les bunks, ce sont les couchettes des dortoirs, et c'est là que nous dormons nous aussi : près de mille constitués d'une banquette en sky et de parois en contreplaqué. Entre chaque dortoirs, des coursives crasseuses débouchent sur des "sanitaires" collectifs immondes. Lors de ce voyage, les dortoirs ne sont qu'occupés au quart ou au tiers. Ils sont cependant aussi animés que les rues de Bombay car rapidement s'y met en place un monde coloré: on joue, on discute avec calme ou animation. On écoute de la musique ou on chante, on vit... et ce d'autant plus qu'interdiction est faite à cette sous-caste du bord de fréquenter les ponts supérieurs et même, sur toute la durée de la traversée, de s'aérer sur les ponts extérieurs sous peine d'amende...
Naturellement, nous ignorons cette règle et passons notre temps à lire, écrire, observer les nuées de poissons volants que l'étrave du navire vient déranger.
On nous avait initiallement annoncé deux jours de traversée. Le bateau en mettra quatre. Dans ces journées brûlées dans l'inaction, nous sentons plus que jamais la course du temps. Nous sommes minés par l'ennui et l'agacement.

Enfin, nous arrivons aux îles Andaman le 17 au matin. Nous les voyons progressivement sortir de l'horizon, disparaitre a nouveau derrière un rideau de pluie tropicale, se rapprocher à nouveau. Végétation luxuriante protégée par une épaisse mangroove, ces marais qui préservent la forêt de l'assaut de la mer. Ailleurs, ce sont des plages de sable blanc à perte de vue. Les Andaman sont composées d'un ensemble d'îles de tailles variables, le tout s'étirant du Nord au Sud sur une bande de 400 km. La plupart de ces îles sont protégées et classées réserves naturelles. Les Andamans forment un paradis tropical, mais ça il ne faut pas trop le répéter...
La principale ville, passage obligé pour le visiteur, s'appelle Port-Blair. Elle semble elle-même sortie de la forêt, être une excroissance bétonnée de celle-çi : elle pousse dans tous les sens, chaotique, hétéroclite, au milieu des bananiers et des cocotiers.
A peine arrivés, nous nous mettons à la tâche : trouver un bateau qui puisse nous amener en Thailande ou encore en Malaisie, ou nous reprendrons notre route vers la Chine.
A l'heure qu'il est, nous cherchons toujours, et épuisons petit à petit l'éventail des possibilités. Les choses sont plus compliquées que prévu, et nous nous donnons encore une journée de recherches.
Malgré la nécessaire matinée de plage, il est difficile de passer son temps, dans un tel paradis, à courir la ville et ses jetées. Nous sautons de rickshaw en rickshaw, et tout à l'heure l'un d'eux nous à menés dans une course poursuite improbable à travers la ville : d'un coup, il lance son scooter à fond dans les rues, slalome entre bus et voitures, nous manquons verser plusieurs fois. A ses coups d'oeils nerveux dans son rétroviseur, au coup de sifflet entendu tout à l'heure, nous comprenons qu'il se croit poursuivit par la police. Il nous faut déployer des trésors de diplomatie pour le convaincre du contraire. Il s'arrête enfin, tremblant : il n'a pas de permis, il risque son rickshaw, son travail, donc ici sa vie.

Nous quittons l'Inde dans quelques jours. De ce pays, notre plus longue étape et notre plus difficile aussi, nous repartirons avec une foule d'images fortes, de sentiments contradictoires : l'Inde ne laisse pas indifférent. Comme pour les pays que nous avons déjà traversés, elle s'inscrit quelque part dans l'histoire de notre voyage, prend sa place parmi les souvenirs déjà riches et dans cet indéfinissable, mystérieux endroit de l'âme où s'accumulent les expériences et les émotions; et qui nous fait courir...

   
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Vieil homme et son singe, Mamallapuram
   
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Arrivee sur les Iles Andaman
   
 
Rentree de peche, Port Blair
   
 
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