A
contre-courant
Tout d'abord,
toutes nos excuses pour les décalages entre les mises
à jour de notre site web : un problème avec
notre hébergeur nous empêche d'en faire normalement
l'entretien.
Merci aux amis, Franck et Ghislain, qui depuis la France nous
dépannent et permettent à ce site de continuer
à exister.
Nous quittons
Chiang-Mai le 24 novembre au matin. Direction Chiang-Kong,
ville frontière avec le Laos. Il nous faut attendre
le lendemain matin pour franchir la frontière, et nous
trouvons là une étape agréable : Chiang-Kong
est une petite ville tranquille sur la rive sud du Mékong.
A 300 mètres de là, de l'autre côté
de ce fleuve au doux nom qui laisse rêveur, c'est le
Laos.
Ce soir là, dans le calme, nous écoutons venir
de cette rive trop lointaine le son des voix, des rires et
des musiques, et des cloches d'un monastère boudhiste
caché par la nuit.
Au matin
du 25, nous quittons Chiang-Kong : nous devons prendre à
9h30 le bus qui nous fera traverser le Laos jusqu'à
la frontière chinoise.
Mais même dans nos calculs les plus larges, nous comptons
sans cette poisse qui depuis l'Inde ne veut plus nous lacher
: le moteur de la barque qui doit nous faire traverser le
fleuve ne démarre pas... Le temps de traverser et d'obtenir
nos visas laotiens, notre bus est parti...
Pas d'autre avant le lendemain. Il est hors de question de
perdre une journée de plus. Il nous faut une nouvelle
fois improviser :
Le Mékong descend du Nord, de la Chine. Nous décidons
de nous avancer le plus possible en remontant son cours. La
chose est possible, on nous propose de nous embarquer pour
un village duquel nous pourrons gagner en bus la frontière
chinoise.
Après une heure de piste, un pick-up nous dépose
à un sommaire embarquadaire. De là, de nombreuses
barques emmènent passagers et marchandises au long
du fleuve.
Nous embarquons
dans ce qu'on appelle un "speed-boat" : barque à
fond plat, élancée, d'environ 6m sur 1,5m ;
à l'arrière est monté un énorme
moteur traffiqué d'où part un imposant pot d'échappement
et une longue hélice.
Le tout donne une sorte de hors-bord particulièrement
rapide et instable.
Pendant deux heures, nous remontons le fleuve. Paysages grandioses
: nous passons entre des collines abruptes, à la terre
rouge sang envahie par la jungle, arbres moussus pleurant
sur la rivière des lianes, des racines et des branches,
feu d'artifice vert des cocotiers et des palmiers; taches
rouges et jaunes des fleurs sauvages; grèves de sable
blanc et fin; éceuils des rochers polis par le fleuve
et le temps; et de temps à autre, villages qui surgissent
de la forêt, à demi cachés par la végétation
: cabanes sur pilotis, baties en bambou et aux murs de feuilles
de palme tressées.
Notre pilote est un virtuose, il remonte les rapides, s'appuie
sur les courants. La barque bondit sur les trous d'eau et
effleure les rochers.
Nous arrivons bientôt à destination : Xieng-Kok,
un village où nous trouvons effectivement une camionnette
qui fait office de bus et se rend à la frontière.
On sangle nos bagages sur le toit, et nous prenons place à
l'arrière, en compagnie de quelques passagers et d'une
improbable et odorante cargaison de pattes de poulet...
Nous arrivons
à la nuit tombée. Nous ne savons même
pas où nous sommes, et n'avons qu'une certitude : la
frontière est toute proche. Nous rions bien, nous narguons
notre malchance, d'avoir finalement pu dans la plus complète
improvisation arriver à destination...
Nous rions moins le lendemain matin, quand sous des trombes
d'eau nous apprenons que nous ne sommes pas au bon poste frontière
: impossible de passer par là, et nous perdons une
demi-journée à rejoindre Boten, le bon point
de passage...
Nous nous
retrouvons enfin en Chine. La ville frontière, Mohan,
nous offre une saisissante première vision du pays
: celle d'une ville flambant neuve, qui semble avoir poussé
pendant la nuit.
De Mohan, nous gagnons le ville plus importante de Menghan,
60 km au nord. Notre objectif est Kunming, à environ
300 km de là, et 18 heures de bus sur une route mal
entretenue qui se perd dans les montagnes.
Cette route nous stupéfie : elle longe en fait l'itinéraire
d'une future autoroute qui reliera dans quelques années
Singapour à la Chine, en passant par la Thailande et
le Laos.
Sur la portion du tracé que nous parcourons, ce sont
partout des travaux titanesques et démesurés
: des piles de pont sortent de terre, les montagnes sont percées
de tunnels, leur face bétonnée ou retravaillée
en terrasses plantées d'une végétation
nouvelle et domestiquée.
La nuit, le chantier géant ne dort pas, ses projecteurs
illuminent la forêt tandis que les engins s'affairent.
Dans ce paysage de forêts de bambous, de montagnes et
de collines digne des plus délicates estampes, la future
autoroute est une vilaine balaffre de béton et de terre
retournée.
Nous arrivons
à Kunming le 28 au matin. Kunming, "cité
de l'éternel printemps", est la capitale de la
province du Yunnan.
La ville, grande, moderne et propre, semble réussir
une étrange alchimie : conjuguer modernité sauvage
et douceur de vie.
Le long des vastes avenues, les immeubles poussent en tout
sens. La ville est creusée de trous béants où
d'invisibles jardiniers plantent de nouvelles tours. Ailleurs,
celles-ci sortent déjà de terre. On les voit
plus loin s'épanouir en bouquets d'acier et de verre,
fleurir de néons et de projecteurs.
Ces tours baignent de leur ombre les quelques rues rescapées
de l'ancien Kunming, garnies de maisons de bois aux toits
incurvés et qui abritent encore une vie d'une autre
époque : étals de nourriture, gargottes, marchés
vivants et colorés.
Deux mondes arrivent encore à se cotoyer ici, et on
est témoin à Kunming d'un étrange dialogue
entre la Chine d'hier et celle d'aujourd'hui. Mais bientôt
les tours de verre et d'acier auront fini de pousser sur les
vieilles maisons de bois.
On sème en Chine les cités comme le grain. Nous
sommes curieux de voir les fruits qu'elles donneront.
Nous quittons
Kunming ce soir. Le temps nous manque, et nous avons décidé,
pour pouvoir nous embarquer le samedi 4 décembre pour
le Japon, de ne pas nous rendre comme prévu à
Hong-Kong.
Nous partons donc directement pour Shangai, à 50 heures
de train d'ici. La course continue...
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