Un
taxi pour Tabriz.
Nous avons enfin pu obtenir les visas de transit pour l'Iran.
Samedi matin, à 8h30, nous les retirons au consulat
iranien d'Istambul.
Nous avons deux jours de retard à rattraper. Le calcul
est simple : il nous faut enchainer les transports le plus
rapidement possible jusqu'à Esfahan, dans le centre
de l'Iran, soit environ 2700 km :
premier bus pour Dogubeyazit, ville turque à la frontiere
iranienne, puis bus pour Tabriz à l'est de l'Iran ;
bus ou train de nuit pour Téhéran, et enfin nouveau bus pour
Esfahan.
Le tour du Moyen-Orient en 48 heures...
Ca commence très vite et à 12h00, nous nous engouffrons
dans le premier bus en partance pour Dogubeyazit. 22 heures
de trajet nous attendent. Nous traversons la Turquie en cheminant
dans des paysages incroyables de montagnes, de collines rondes
et dénudées, de vastes plaines peuplées de champs jaunes et
d'arbres isolés.
Au moment précis ou ce couche le soleil ce premier soir, notre
bus s'arrête dans un improbable restaurant routier surgit
de nulle part.
C'est Ramadan : les passagers s'engouffrent dans le restaurant
désert, bientôt suivis par ceux de trois ou quatre autres
bus. Nous nous attablons aussi pour le festin dans une ambiance
bonne enfant.
Dimanche matin. Nous décidons de ne pas nous attarder à
Dogubeyazit. Nous passons rapidement visiter le vieux palais
d'Ishak Pasa en ruine qui domine la plaine depuis la montagne,
puis nous nous rendons à la frontière. Au milieu du
No mans land désert qui sépare la Turquie de l'Iran, nous
croisons une petite silhouette surgie de nulle part écrasée
sous un sac à dos jaune. Un voyageur japonais, avec
lequel nous échangeons rapidement les "clés" des pays que
nous quittons : recommandations utiles, taux de change...
une poignée de main au milieu de ce nulle part, et nous repartons.
Notre arrivée en Iran restera je pense un extraordinaire mélange
confus d' émotions, d'images et de sensations.
A la frontière, on nous affirme q' il n y a plus de bus en
direction de Tabriz pour la journée. Il est 14h00, nous sommes
dimanche, et le temps presse si nous voulons attraper le dernier
bus pour Téhéran, depuis Tabriz.
Nous décidons de prendre un taxi pour couvrir les 300 km qui
nous séparent de Tabriz. Nous négocions un prix à la
va-vite et partons. Presque aussitôt, un désaccord sur le
prix de la course éclate.
En Iran, une affaire privée sur la voie publique devient rapidement
une affaire publique : dix personnes entourent le taxi aux
fenêtres baissées, et participent activement aux négociations.
La situation ne nous est pas favorable et peu dégénérer :
nous négocions le nouveau prix en tachant de ne pas perdre
la face. La foule se disperse, et nous pouvons enfin partir.
Notre chauffeur est un gros homme placide et moustachu du
nom de Valeh. Au volant de sa Peugeot 405 noire, Valeh pilote
plus qu'il ne conduit, sur la route qui mène à Tabriz,
dans le désert.
Quand nous arrivons en vue de la ville, le soleil se couche
sur une plaine plantée d'usines et de batiments indéfinissables.
Les montagnes sont éclabousées de rose, la ville miroite de
toutes ses fenêtres.
L'arrivée dans la gare routière, saturée de bus, de cris,
de néons et de gasoil, nous dépasse completement : en quelques
minutes, sur instructions de notre chauffeur, on nous entoure,
nous pousse, nous installe dans un bus. Je me souviens avoir
échangé avec Gilles un regard et un éclat de rire :
la situation dépasse toute réalite, Jules Verne aurait apprécié.
Quelques minutes plus tard, nous sommes en route Téhéran.
De celle-ci, nous n'aurons vu que la gare routière, et encore
à 4h30 du matin. Dernière étape, dernier bus : Esfahan,
dans le centre du pays. En Iran, les bus sont très nombreux
et rapides (un peu trop...). Nous trouvons facilement le notre.
Nous arrivons à destination lundi à 14h00. 50
heures de trajet pratiquement ininterrompu depuis Istanbul.
Le pari est réussi, nous rattrapons une journée.
Aujourd'hui à Esfahan,nous profitons de la ville magnifique,
la douceur de la vie qu'elle offre dans ses grandes allées
et ses beaux parcs.
Dès demain, la course recommence : destination Lahore au Pakistan,
près de la frontière indienne. Nous tablons sur un trajet
total de 70 heures non-stop pour rattraper notre seconde journée
de retard. A suivre...
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